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28 juillet 2014

Michel BERTRAND, Un éloge de la « sieste spirituelle »

ON SAIT L'IMPORTANCE DU SOMMEIL...© BRECKLES/FLICKR/CC

       Alors qu'un nombre croissant de Français ne dort pas suffisamment, le pasteur Michel Bertrand nous invite à prendre soin de notre sommeil pour mieux rester éveillés au monde.

       En ce temps de vacances propice au repos, à la sieste et aux nuits réparatrices, je reviens sur de récents sondages révélant que nos contemporains ont un rapport problématique au sommeil.

       Un tiers des Français ne dorment pas suffisamment. Douze millions seraient insomniaques. Sept actifs sur dix se réveillent la nuit. Par voie de conséquence, ils sont les plus gros consommateurs de somnifères en Europe, en hausse constante depuis 2010. Les enquêtes s’accumulent pour dire un malaise, voire une souffrance, et en discerner les causes. Au premier rang de celles-ci, le fait que nous ne parvenons plus à nous déconnecter.

Les écrans la nuit

       Ainsi, téléphone, radio, télévision, ordinateurs et tablettes seraient présents dans trois chambres sur quatre, 42 % des adultes gardant leur portable allumé au risque d’être réveillés par un appel ; et parmi ceux qui reçoivent des messages nocturnes, deux tiers se précipitent et un cinquième d’entre eux y répondent. Quant aux adolescents, des médecins de l’Hôtel-Dieu à Paris ont montré qu’ils ne dorment pas assez ; ils se couchent tard, restant devant leurs écrans en tout genre et se réveillant fatigués le matin.

       Ces mêmes études scientifiques soulignent les effets de ces carences de sommeil : somnolence diurne, fatigue chronique, irritabilité, nervosité, anxiété, dépression, burn out et à plus long terme des problèmes de santé et des troubles cognitifs…

       Car on sait l’importance du sommeil. La Bible en soulignait déjà les bienfaits : « Il est vain de se lever tôt et de se priver de repos, écrit le psalmiste, qui a trouvé Dieu pour ami, même en dormant sera béni (1). » Quant à Jésus, il invite les apôtres, après leur retour de mission bien remplie, à se reposer (2). Lui-même ne se laisse pas troubler par les turbulences du vent ni par la violence des vagues. Alors que ses disciples s’affolent, il dort paisiblement à l’arrière de la barque (3).

       Dans les Écritures, le sommeil et le repos sont éminemment créateurs et féconds, ce sont des moments propices aux rêves et aux visions qui orientent l’avenir (4). Des temps à la grâce de Dieu qui délivrent les humains de toute forme de salut par leurs œuvres.

       Au fond, cette difficulté à dormir, à accepter de se reposer vraiment, pourrait bien révéler un trouble sociétal plus profond. À savoir une incapacité à ne rien faire, dans une société où certains sont asservis au travail et où d’autres se dispersent dans des agitations et des activismes qu’ils prennent pour des actions. Un refus en somme de lâcher prise, quand prédominent le désir de la toute-puissance et l’illusion de la toute-maîtrise. Il y a même parfois une sourde culpabilité à se reposer, tant une certaine morale (protestante ?) a pu y voir une forme de paresse.

       Alors je recommande en cette période de vacances un petit ouvrage, L’Art de la sieste (5), paru il y a une quinzaine d’années et qui déjà invitait à refuser la dictature du temps contraint, avec ses impératifs de rentabilité et d’efficacité.

Ennuis salutaires

       Pour ce faire, puissions-nous retrouver des moments de pause, de repos, de ressourcement, d’inactivité, et même d’ennui salutaire dont se faisait l’écho un récent numéro de Réforme. Ce sont là de véritables « siestes spirituelles » qui, loin de constituer une évasion hors de l’histoire, nous préparent au contraire à garder les yeux ouverts sur le monde.

       Qui pourrait d’ailleurs les fermer face à des situations tragiques comme celles de ces derniers jours en Israël-Palestine ou en Ukraine, d’autant que la Bible, qui invite au repos, appelle également à la vigilance ? Toutefois ces temps où l’on se pose et se repose, temps aussi de vie intérieure et de prière, sont nécessaires pour mieux agir et résister, et en tout cas ne pas désespérer. Alors, même si nous ne parvenons pas toujours à dormir du sommeil du juste, puissions-nous au moins connaître le repos du justifié !

(1). Ps 127,2.
(2). Mc 6,31.
(3). Mc 4,38.
(4). Ac 2,17.
(5). L’Art de la sieste, Thierry Paquot, Zulma, 1998.

Hebdomadaire Réforme, 27 juillet 2014.

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